Alain MONGEAU
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34 ans, canadien, docteur en communication, artiste multimédia et directeur de l'ISEA 95 de Montréal.
W//M : Il est bon de rappeler que l'ISEA est d'une part une association internationale, et d'autre part un symposium qui se déplace à travers le monde chaque année. L'installation de l'organisation à Montréal favorisera-t-elle la francophonie ?

AM : C'est notre idée de départ. Il faut briser le monopole de l'anglais sur les arts électroniques. L'anglais est pratique comme plate-forme de passage de traduction. Il est temps que les concepts exprimés en espagnol, en brésilien, en italien , en français, trouvent leur place.
On est déjà en contact avec des japonais pour la traduction d'essais critiques importants qui ne sont connus nul part. Dans le même ordre d'idée, les anglophones et les francophones connaissent très mal les travaux des critiques allemands. Nous voulons faire une part plus grande aux discours étrangers.

W//M : Où se situe ISEA ? Entre le discours et la créativité ?

AM : Je vois le symposium comme une vitrine et un outil de réseautage. J'aimerai qu'on offre un panorama de la création dans les Nouvelles Technologies sous toutes ses formes : art, recherche, discours.

W//M : Au fait, l'ISEA : une institution " académique " ou " anarchiste " ?

AM : L'ISEA a émergé d'un contexte plutôt académique, mais avec la volonté de développer l'interdisciplinarité, ce qui est "anarchiste" pour le milieu en question. La tension entre académisme et création artistique a toujours été problématique et fructueuse. Ici, à Rotterdam, apparemment, nous sommes dans un contexte plus académique que celui de Sydbey ou de Montréal, où les manifestations étaient plus larges et plus populaires, très axées sur l'art contemporain. L'ISEA 97 de Chicago, et le 98 à Manchester sont préparés dans cet esprit d'ouverture.

W//M : Comment te situes-tu par rapport à des événements tels que le SIGGRAPH ?

AM : Les artistes ont une expérience " Love and Hate " par rapport au SIGGRAPH. J'ai constaté que la façon dont les artistes essayaient de se faire une place dans cet événement était assez pathétique, avec un discours larmoyant, une présence marginale.
Le SIGGRAPH est un lieu de convergence pour l'industrie, où la création a finalement peu de place. Si les choses se développent comme nous le souhaitons, l'ISEA deviendra la plate-forme de choix des artistes, parce qu'elle sera montée grâce à leur propre intervention.

W//M : Le symposium de Rotterdam n'a pas une exposition très importante...

AM : Comme je l'ai dit, c'est ici, en 96, un événement plus académique, avec de nombreuses conférences. Cette situation est aussi le fait d'un manque de moyens inattendu, une réduction du budget initial. Mais aussi parce que l'ISEA de Rotterdam s'inscrit dans R96, événement " mastodonte " organisé par la ville, et qu'il travaille en conjonction avec V2 Organization, qui propose le DEAF. En tout cas, notre colloque est d'un bon niveau.

W//M : L'expo de Montréal n'a pas eu ces problèmes ?

AM : Nous avions la volonté d'offrir la plus large vitrine possible sur ce qui se faisait en matière d'art électronique. Et effectivement, nous avons eu une exposition très importante. Mais les 10 projets les plus ambitieux, nous n'avons pas pu les présenter, car c'était aussi les plus chers ! Donc je n'ai pas vu à cet occasion ce qui me tenait personnellement le plus à cœur : ces quelques projets-là auraient pris le budget des 80 autres ! En optant pour le nombre, nous avons satisfait un plus large public.

W//M : L'avenir, après Chicago et Manchester, c'est aussi un symposium à Paris...

AM : C'est un projet pour l'an 2000 qui me tient très à cœur. Le futur " QG " de Montréal fera en sorte que Paris soit choisi très rapidement comme point de convergence à l'horizon de la francophonie.
La beauté d'ISEA, c'est d'être un événement qui change de continent chaque année. Ce qui implique qu'à chaque fois une organisation nouvelle lui donne sa marque personnelle. Par conséquent l'évolution est difficile à estimer. Ce qui est sûr, c'est qu'en nous préparant si longtemps à l'avance pour Paris, nous pouvons imaginer des propositions qui élargiront le symposium, avec des idées et des collaborations nouvelles.